2 juillet 2008

Pauvreté à Cuba – Au-delà du mirage socialiste et de notre conception capitaliste…

par Andreanne Lavoie

Je ne saurai dire pour vous, mais à mon humble avis, les premières impressions sont déterminantes dans l’établissement d’une relation. Que cette dernière soit avec des gens, des lieux ou des œuvres, peu importe, les émotions véhiculées lors du tout premier contact sont souvent marquantes, déterminantes. Cuba, La Havane. Synonyme de chaleur, de frivolité, d’alcool, de paradis au sein de la mer des Caraïbes pour certains… évocation du socialisme, de la lutte des classes et de la révolution pour d’autres.

16 mai 2008, arrivés de notre périple aérien, nous approchons la capitale dans un état de complète frénésie. Premiers regards sur le peuple cubain, sa chaleur, son rire, son désir de vivre, son patriotisme. Contemplation de la ville, de son architecture, de sa richesse, de sa diversité; nous sommes avides de ces bruits, de ces odeurs, de ces couleurs… Nous nous exclamons tous sur ce que nous voyons et ressentons. La Havane est magnifique, propre, en pleine reconstruction. De superbes autos des temps passés côtoient les édifices aux façades plus que travaillées, des monuments qui défient tout courant. Cuba est-il si affecté par le blocus étasunien ? Plusieurs affiches de propagande déclament les différents torts causés au peuple cubain par cette politique menée par les Yankees; 12 heures de blocus équivalent à l’insuline nécessaire aux 64 000 diabétiques de l’île pour une année entière. Où sont ces gens dans le besoin, où est-il possible de constater les effets de cette politique économique qui étouffent la clé des Caraïbes?

Cuba possède l’un des produits intérieurs bruts (PIB) par habitant les plus faibles au monde. Malgré tout, l’éducation est gratuite et les services de santé aussi. Les Cubains ont droit à une certaine quantité de nourriture distribuée au tout début de chaque mois, ils ne paient qu’un coût infime pour leur logement. Cuba détient-il la solution au problème de la pauvreté?

Mais qu’est-ce que la pauvreté? Concept fourre-tout pour dénoncer un pays, une situation, une personne… Considérant nos réflexions à ce sujet, nous croyons que la pauvreté est un état où un individu se retrouve en difficulté, brimé dans son développement ou ayant des besoins inassouvis. Une personne ne peut être pauvre, puisqu’il ne s’agit point d’un qualificatif. Une personne est en situation de pauvreté, en situation précaire, et cette distinction fait toute la différence. Ainsi, un peuple peut-il être en situation de pauvreté, peut-il être lésé dans son évolution au même titre qu’un individu?

Une théorie en psychologie traite des besoins individuels, soit la pyramide des besoins de Maslow. Cette conception stipule que les besoins primaires d’une personne doivent être comblés avant que celle-ci puisse combler ses besoins plus secondaires. En ce sens, une personne ne pouvant manger à sa faim ne pourrait combler ses besoins d’actualisation de soi. Cependant, cette notion est applicable au plan personnel, mais au plan social, il est extrêmement difficile de l’appliquer. Comment un peuple opprimé et affamé pourrait se rebeller contre le système en place et revendiquer de meilleurs conditions de vie? Selon cette théorie, cela ne serait être possible. Pourtant, à de nombreuses occasions dans l’histoire, de tels phénomènes se sont produits. Cuba est un exemple de soulèvement qui nuance cette théorie. En remplacement de la pyramide, voyons plutôt les besoins comme un cycle, un cercle exempt de niveaux et dans lequel il est possible de se déplacer. Les gens peuvent parvenir à joindre ces besoins et à développer une cohésion, une force pour lutter pour ce en quoi ils ont foi… d’où la révolution!
Cela s’est-il produit à Cuba? C’est du moins ce que nous croyons. La rébellion face à la gouvernance du régime de Batista est due à son attitude de soumission face au gouvernement américain qui n’était plus tolérée par la population cubaine… La pays n’avait pas à être le bordel de service de son voisin, l’échappatoire où toute tentation pouvait être assouvie. Cuba se voulait différent et c’est ce qui a séduit la population dans les discours enflammés de Fidel Castro : la possibilité d’une autre vie, d’idéaux basés sur l’équité, la fraternité et la justice.

Ces différentes valeurs, le commandant en chef de l’île a tenté de les appliquer, mais un pays peut-il être juste envers tous ces habitants? La société cubaine se veut égalitaire, mais l’est-elle réellement? Il y a actuellement deux monnaies sur l’île, soit les pesos convertibles (CUC) et la monnaie nationale cubaine. La première est réservée aux produits plus dispendieux, considérés comme un luxe, soit l’apanage des touristes. La deuxième est utilisée par les Cubains, pour accomplir leurs différentes activités quotidiennes. Aucun Cubain ne possède réellement de maison ou d’autos, car tout est propriété de l’État. La ration alimentaire accordée par mois suffit à peine pour 20 jours. Qui plus est, un médecin gagne à peine 30 CUC par mois, soit 8 CUC de plus qu’un ouvrier. Quant on sait qu’une bouteille de shampoing peut coûter près de 3 CUC, il est évident que de tels articles sont beaucoup trop onéreux pour les Cubains. Finalement, près de 1 million de Cubains résident actuellement aux États-Unis, soit en raison de différents en ce qui concerne les idéaux politiques et sociaux, soit par aspiration à une vie meilleure. Les besoins collectifs étant comblés avant les besoins individuels, la frustration se sent chez plusieurs personnes. Une personne est-elle plus pauvre si elle ne possède rien ou si le partage effectué la rend plus riche?

La notion de pauvreté est-elle culturelle? Être pauvre au Canada ou être pauvre à Cuba, est-ce si différent? La Patria o muerte, El Socialismo o muerte! Est-ce la vérité ici?

Nos réflexions se prolongent, se raffinent et se précisent. Pour ma part, je suis bouche bée devant la ténacité et les idéaux de cette nation, du courage de son «commandante» de lutter pour ses principes et ses croyances. Quelle figure politique inspirante, car peu importe ce qu’il est possible de dire, de penser ou de croire sur Castro, il demeure l’incarnation de la victoire des idéalistes, de la classe populaire et du peuple. À savoir si la politique cubaine est meilleure que la politique canadienne, je ne saurai répondre. Elles sont différentes, non opposées, mais distinctes. En ce qui concerne la pauvreté, je préfère être née Canadienne que Cubaine, car peu importe ce que l’on peut dire, je me considère très chanceuse d’avoir la qualité de vie que j’ai au Québec. Cependant, il m’est difficile de dire laquelle de ces situations est la plus difficile : être pauvre à Cuba ou être pauvre au Canada? Pourtant, ne devrais-je pas me vouloir Cubaine si mes valeurs sont mieux représentées par le régime castriste? Question difficile et à laquelle je n’ai point de réponse à ce jour.

1 commentaire:

Lina Sylvain a dit…

merci pour ce blog. J'en apprends sur Cuba et aussi sur votre vie là-bas.

Parlant de pauvreté, j'aimerais échanger avec vous ma propre histoire et mes questionnements. En 2005, je quitte un emploi et une région pour développer ma propre entreprise en éducation dans une région les plus démunies au Québec. Je me disais qu'avec un diplome de 3e cycle en main, je suis full équipée pour assurer ma survie considérant que la région a besoin d'expert conseil. J'ai alors changé de région, poussée par un idéal personnel, un goût de sortir de la théorie universitaire et de me joindre à l'ordinaire. J'ai rencontré des personnes pauvres qui réfutaient ce qualificatif disant que de vivre en pleine nature, au grand air avec une eau vivifiante, était symbole de richesse!

Les contrats n'ont pas été à la vitesse des dépenses requises pour m'installer sommairement dans ma nouvelle région. J'ai alors connu la pauvreté. La sensation continue de ne pas suffire à ses besoins de base qui lentement conduit loin de la consommation sur les voies de l'isolement. Dans cette solitude, j'ai observé la nature me disant à quel point elle était en santé. Dès les rayons du soleil chauffant, des bourgeons éclatent, la végétation se montre le bout du nez. Alors, si la nature est en santé, me nourrir d'elle me gardera en santé? Me voici donc en train de cueillir et de transformer ce qui est comestible à l'humain. Depuis je me sens riche et suis fort occupée! La nature est généreuse!